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11 février 2014 2 11 /02 /février /2014 01:34

À ma spatule,

 

Il aura fallu que je passe le film l'Esquive à mes élèves pour que mon petit pays me manque. Une nouvelle bénévole s'est pointée et a commencé à me voler mon cours. Heureusement, elle a vite avoué ne rien comprendre du film alors que c'est en français, mais tu comprends, c'était pas du bon français. Oui, c'est là où le choc des cultures apparait en plein jour. Le français de banlieue est du français passif pour la plupart des métropolitains mais pas des Québécois. En plus d'être prétentieuse, de débarquer comme une fleur et de critiquer ce qu'elle écoute, elle me dérangeait. Ça ne m'a pas vraiment plu. Tranquillement, j'ai attendu qu'elle se taise après m'avoir demandé de mettre les sous-titres. 

Je critique pas la façon de parler au Québec, je dis pas que mon français est mieux, que l'accent est plus correct ou quoi. Et même, je perds des points à cause de mon français parce que selon les professeurs, j'ai un dialecte parisien et pas un français standard. J'aime bien le français québécois, c'est coloré, mignon, mais là, mon verlan, mon slang, le langage de mes racailles m'a manqué. Je voyais la banlieue devant moi, les négociations, les plans foireux frisant la culture d'un pays sous-développé, la démerde, tout m'est revenu avec le langage. Les mecs qui sautent par-dessus les barrières dans le métro, les racailles qui t'abordent au quai, les coups de gueule auprès de gens qui te bousculent, mais aussi la politesse, les portes tenues, les places laissées aux femmes enceintes, aux vieux, aux filles. Mon pays, c'est la merde, mais les gens sont vivants. 

Je repense à la fois où je me suis retrouvée dans le wagon arrière du train de Montreaux avec de la bonne caillera qui fumait de tout, je me suis retrouvée avec eux parce qu'ils m'ont tenu la porte pour que je puisse monter. Quand je suis allée à la gare un été en robe, je me suis faite siffler, et combien de fois on m'a tenu la porte. Ici, on siffle pas même si la fille ne porte qu'un bout de tissu qui cache on ne sait quoi. Ok, dans l'absolu, on devrait pouvoir s'habiller comme on veut, mais est-ce qu'on est obligé d'être vulgaire s'il n'y a pas de limites? À Montréal, le je-m'en-foutisme semble de rigueur. Je m'en fous de comment tu te fringues, je m'en fous si tu es enceinte, je m'en fous si tu te prends la porte dans la figure, je m'en fous. Chacun ma gueule. Et si tu as un problème, tu écrases parce que sinon tu vas passer dans le politiquement incorrect. La violence, même orale, est interdite. Tu n'as pas le droit de hausser le ton, tu restes invisible et aveugle. 

Pas étonnant que la plupart des Québécois que je connais aient fait une dépression. Quand la société te dicte des règles de sorte que tu comprennes que c'est toi le problème, oui, tu intériorises, et soit tu digères, soit tu imploses. C'est bien pour ça que les médicaments sont en libre service, c'est plus simple, si tu as un problème, tu prends un cachet, et ça va mieux. Il y a aussi des publicités pour des médecins magiciens. Si tu te plainds, si tu dévies de la norme, tu te fais regarder suffisamment mal pour comprendre que tu n'es pas de ce monde. Ce monde d'aliénés, drogués, centrés sur son soi, enfermés dans un carcan auquel tu dois te plier. Un monde de blasés. 

Je me sentais pas bien dans mon pays à cause de la pression d'un travail chimérique, de la haine, des jugements, en fait, ici, j'ai eu l'extrème inverse. Dans mon pays, on s'exprime, un peu trop, un peu trop pour rien, mais on garde pas sur le coeur, on gueule, on vit. Le pays parfait n'existe pas mais un mélange entre une société lobotomisée et un pays haineux, serait peut-être pas si mal. Ça fait deux jours que je manque de m'énerver à la française, mais si j'explose, je vais me faire rapatrier... Bon ok, la première fois, disons la deuxième première fois - la vraie première avait été contre ma coloc - c'était contre une dame qui me poussait et qui m'a prise pour une imbécile, et la deuxième fois c'était aujourd'hui. Si tu fais exprès d'énerver les autres, tu penses pas que tu peux t'attendre à une réaction, il a fallu que je l'humilie pour qu'elle arrête enfin de m'énerver. Est-ce que c'est vraiment sain comme comportement? Si tu peux pas t'exprimer, que tu gardes ta haine et que tu la craches de manière tout à fait inappropriée, ne t'étonne pas de devenir fou. Et comme on dit, un fou ne se sait pas fou, il l'est seulement aux yeux de la société. 

J'en ai marre de cette hypocrisie, des sourires creux, des "allô ça va" à la caissière, des gens qui se plaignent sans essayer de changer les choses. Ce qui m'a plu et que j'ai interprété comme "tolérance" n'est seulement que du "je m'en fous", ce qui fait une légère différence. As-tu réellement ta place dans une société où l'autre s'en fout de toi? Une société où l'autre te déteste, te fait exister, alors qu'une société où on ne te voit pas, où tu demeures invisible quelque soit ton apparence physique, tes opinions religieuses, politiques ou autre, ne te donne pas plus d'identité. 

J'ai hâte qu'on fasse des kaï au kung fu parce que sinon à force de devoir restée calme - et heureusement que je m'énerve si peu -, je risque vraiment de craquer. Je suis fatiguée et ça fait deux fois que j'ai envie d'utiliser mes poings au lieu des mots. En attendant, j'exprime ici, et je continue à faire mes 6 heures de sport par semaine mais j'ai hâte de revenir dans mon pays de gueulards de pacotille pour retrouver le repos cérébral.

 

Je vais faire deux trois kata sur du mcsolaar, ça va me calmer avant de bosser un peu. S'occuper les mains et le cerveau, ça sauve une femme.

 

Mi

 

ps: évidemment, je fais des généralités, mes copines québécoises sont parfaites - normal, c'est mes copines. 

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